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06/07/2023 - Actualités

« Si on impose l’obligation de rénover en Wallonie et à Bruxelles, le marché immobilier sera mort ! »

L’obligation de rénover un bien énergivore endéans les cinq ans pénalise les transactions en Flandre. C’est un des enseignements constatés chez Trevi. Article réservé aux abonnés

Les rénovations devenues obligatoires depuis cette année pour certains biens en Flandre entraînent un fort ralentissement du marché. Chez Trevi, on croise les doigts pour que de telles mesures ne soient pas appliquées en Wallonie et à Bruxelles. - D.R.

Le nouvel index Trevi Trust Monitor (qui est basé sur la confiance du marché immobilier) est sorti. Il se chiffre pour le mois de juin 2023 à 99,5, soit -2,4 par rapport à mars. Rien d’étonnant à cela puisque le marché de la brique continue à subir les contrecoups dus à plusieurs facteurs connus (inflation, hausse des taux d’intérêt et des prix des matériaux…).

Mais chez Trevi, il est un facteur qui semble réellement inquiéter en interne : l’obligation de rénover un bien énergivore dans les cinq ans en Flandre. « Du coup, tout le monde pêche dans le même étang », dit d’une manière très imagée Kim Ruysen, le CEO de Trevi. « Si le bien en vente présente une PEB E, F ou G (les indices les plus mauvais en termes de performance énergétique, NDLR), il doit être amélioré endéans les cinq ans, et cela freine énormément le marché. Si la PEB est D ou mieux, là où aucune obligation de rénover n’est en place, les biens partent au prix juste, voire au-dessus puisque la demande est très forte. »

Le prix moyen d’un bien en Belgique s’établit aujourd’hui à 358.000 euros. Un montant difficilement accessible pour les gens seuls et les primo-acquérants. Même en Flandre. « Aujourd’hui, tout le monde cherche un bien en dessous de 350.000 euros sans obligation de rénover », expose à ce sujet notre interlocuteur. « Et ça se trouve facilement, mais il s’agira de maisons 2 façades avec une moyenne de 160 m2 habitables, pas davantage… »

Une catastrophe

Kim Ruysen a un message à faire passer au pouvoir politique : il ne faut surtout pas que l’obligation de la Flandre soit appliquée à la Wallonie et à Bruxelles. Sans quoi, ce serait, selon lui, une catastrophe. « A Bruxelles, tous les biens sont en G ou F et devraient donc obligatoirement être rénovés. En Wallonie, c’est pareil. Ces deux marchés ne sont pas prêts pour une telle obligation, et si on l’impose, le marché immobilier serait mort ! »

Depuis janvier, les marchés wallon et bruxellois ne sont pas tellement perturbés au niveau des biens recherchés par monsieur et madame-tout-le-monde. Par contre, les investisseurs (ceux qui achètent dans le but de louer leur bien) sont dans une position désormais très attentiste. Les biens neufs se vendent aussi très difficilement, car les promoteurs voient leur rendement fortement diminué par la hausse des taux d’intérêt.

Dans certains endroits à Bruxelles, l’augmentation du prix des loyers monte même parfois jusqu’à +15-20 %

Kim Ruysen, CEO de Trevi

« On constate que le marché en Flandre baisse beaucoup plus fortement qu’à Bruxelles et en Wallonie », intervient Kim Ruysen. « Outre l’obligation de rénover les biens énergivores est également apparue cette année, dans le nord du pays, l’attestation amiante. Si de l’amiante est répertoriée dans l’habitation que vous voulez vendre, elle doit être mentionnée dans un document. Pour l’heure, l’attestation ne s’accompagne d’aucune obligation, mais ils sont nombreux à penser que ce n’est qu’une question de temps… »

Une chose semble claire : les prix des biens ne se sont pas encore adaptés à ces nouvelles règles. Le marché flamand doit encore digérer ces nouvelles dispositions. « D’autant que les banques ont elles aussi leur mot à dire », tranche Kim Ruysen. « Elles appliquent désormais des taux différents en fonction de la PEB du bien que vous convoitez. Plus il est en mauvais état et plus le taux sera élevé… Une attitude imposée par la Banque nationale, qui demande de prêter une attention renforcée aux biens énergivores. »

Tout profit pour le Hainaut

Autre constatation chez Trevi : l’explosion du marché locatif. Logique : si les gens ont plus de difficultés à acheter, ils louent. « Chez Trevi, huit personnes supplémentaires ont été ajoutées au département Location, qui en compte désormais seize. En moyenne au premier semestre 2023, les loyers ont augmenté de +10 %. Dans certains endroits à Bruxelles, l’augmentation monte même parfois jusqu’à +15-20 %, car la demande est beaucoup plus forte que l’offre. Certains propriétaires en profitent… »

Le marché actuel enregistre un regain d’intérêt pour la province du Hainaut où, on le sait, les prix de l’immobilier sont moins élevés et où il n’y a pas d’obligation de rénovation. « On remarque que nos clients sont prêts à aller habiter plus loin, jusqu’à 60, 70 ou 80 kilomètres de leur lieu de travail », expose le CEO. « Ils achètent moins cher un bien certes énergivore, mais ils peuvent étaler les travaux de rénovation dans le temps. Cela fait toute la différence. »

Les difficultés rencontrées obligent les collaborateurs de Trevi à changer leur fusil d’épaule. Les clients veulent désormais savoir exactement à quoi ils s’engagent financièrement lorsqu’ils achètent. « De nos jours, nous devons de plus en plus leur présenter un projet immobilier, et non plus seulement un bien », conclut Kim Ruysen. « Nous avons en interne un agent immobilier, qui est également architecte, qui établit des plans des biens convoités pour nos clients avec les éventuelles rénovations à effectuer. Suite à quoi, nous les soumettons à la start-up limbourgeoise Setle qui chiffre ces travaux. De cette manière, nos clients ont une vue globale et savent exactement ce qu’ils devront débourser, tant à l’achat qu’en rénovation. De plus, leur dossier sera plus complet lorsqu’ils se présenteront face aux banques. »

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